Carnet de route – 11 octobre 2024


« La journée d’avant-hier a été marquée par le bivouac dans un petit T-Shop au milieu de la jungle à 2000 m d’altitude, pas du tout prévu pour recevoir des visiteurs. 

De là, nous avons continué à descendre à travers la forêt. Ce qui est particulier à cette altitude, et spécialement à cette période de l’année, ce sont les sangsues. Il y en avait tellement que toutes les trois minutes, il fallait s’arrêter enlever celles qui grimpaient le long de la chaussure ou la jambe et continuer son chemin. Elles t’attendent accrochées à des feuilles, accrochées aux rochers, accrochées aux cailloux, accrochée à l’herbe. Même en étant vigilant, il y en a une ou deux qui arrivent à faire son chemin. 

Après quatre heures de marche à travers cette forêt nous avons poursuivi notre périple avec sept heures de route dans des conditions où je suis obligé de relever le génie humain pour concevoir des engins qui passe à travers des routes aussi rocambolesques.

Hier, nous avons fait encore 13 heures de route pour rejoindre le sud-est du Népal et trouver un poste de frontière avec l’Inde où un bureau d’immigration pouvait me placer un tampon officiel dans le passeport. Puis je suis remonté en voiture jusqu’à Darjeeling où je me trouve actuellement, le temps de faire le permis pour le Sikkim et le permis de trekking. Parfois, il est préférable de garder de certains lieux toute l’imagination qu’on peut en concevoir sans jamais aller les visiter pour ne pas être déçu par la réalité. J’avais une image très romantique et pittoresque de Darjeeling. En fait c’est moche, ça pue, et c’est le chaos dans les rues surpeuplées car en ce moment c’est le festival Diwali. La mythologie a cela de bon qu’elle fait rêver l’imagination.

Le but maintenant est de remonter au nord du Sikkim et de le traverser dans son entier jusqu’à la frontière du Bhoutan.

Le chapitre Népal étant clos voici quelques bilans: Début de la marche le 2 octobre, fin le 9 octobre 2024. Soit 8 jours de trek – 108 km – Dev + 8100 m / Dev – 7650m. Des journées de marche de 9 à 13 heures incluant deux heures de pauses morcelées ça et la. 

La relation avec la nature que propose le trek, ces longues journées de marche, cette intensité physique, cette exigence corporelle et sportive, cette adaptation permanente à l’environnement, m’emmènent dans une relation intime avec moi-même, comme une forme de solitude en mouvement où les coulisses du silence permettent d’entendre les voix intérieures.

C’est la durée de ces journées interminables qui permet à toutes les voix de s’exprimer, à la fois celles qui se plaignent, qui souffrent qui ne  veulent pas, qui cherchent du confort voire du réconfort. Les voix qui doutes, celles qui craignent, celles qui te disent : « Mais mec, qu’est-ce que tu fous là? »

« Pourquoi ça ? Plutôt qu’une chaise longue et une planche de surf ? »

Alors je les écoute, je les entends, mais je ne leur accorde pas d’attention, je marche, elles finissent par se taire et dans l’espace de silence qu’elles laissent derrière elles d’autres voix se font entendre, notamment la voix du chemin. Le chemin me parle ou je me parle en chemin. Je vois la vie, ses mouvements, ses pulsions, ses passions, et quand j’arrive à être parfaitement en union avec mon corps, mes pensées, mon absence de pensée, le ciel, la terre, l’effort, l’altitude, la sueur, ça devient un instant magique, où malgré l’effort, la douceur prend le relais. La douceur d’une tranquillité qui ne questionne plus sur le sens de ce que je fais, mais qui s’inscrit dans le fait d’accomplir ce pourquoi je suis venu, à savoir mettre un pas devant l’autre. Ce sont alors les heures qui m’emmènent par-delà les forêts, les collines, les montagnes, les cols, le froid, le chaud.

C’est comme le bonheur de marcher les sentiers de la vie, sans vouloir leur donner un sens. »

Marc


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